2024
“Yeyasso: la coopérative ivoirienne où tous les espoirs sont permis”
La coopérative cacaoyère et caféière Yeyasso en Côte d’Ivoire tente en permanence d’avoir une longueur d’avance sur les grandes tendances du marché.
Read articleIl y a quinze ans, Thierry Noesen a fondé la société Belvas dans le Hainaut, le premier producteur de chocolat équitable en Europe du Nord. Depuis, Belvas n’a cessé de s’engager dans le développement durable, en se spécialisant dans le chocolat bio et en mettant en place divers projets au Pérou et en Côte d’Ivoire pour améliorer les conditions de vie des cacaoculteurs avec lesquels il travaille. Aujourd’hui, Belvas construit une usine locale de transformation du cacao en Côte d’Ivoire, ce qui pourrait constituer une percée sociale et écologique dans l’industrie du chocolat.
“L’industrie du chocolat est très internationale – nos producteurs de cacao sont situés au Pérou et en Côte d’Ivoire et nous exportons environ 85% de notre chocolat à l’étranger – et malheureusement vous contribuez presque automatiquement aux abus sociaux et environnementaux dans notre secteur”, dit Noesen. “Il y a peu de temps, j’ai vu à la télévision un documentaire sur le travail des enfants dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire. Tout le monde savait ce qui se passe bien sûr, mais les images étaient dures.”
Les chiffres sur le travail des enfants dans la cacaoculture sont effarants. Selon une étude de l’organisation de commerce équitable Max Havelaar, plus de 2 millions d’enfants travaillaient dans des conditions dangereuses en Côte d’Ivoire et au Ghana en 2013-2014. ‘Dangereux’ peut signifier que les enfants sont en contact avec des produits chimiques nocifs, qu’il y a trafic d’enfants, du travail forcé d’enfants, ou que des enfants sont maltraités ou utilisés dans des activités illégales. La Côte d’Ivoire est le plus grand exportateur de cacao sur le marché mondial et, avec le Ghana, elle représente près des deux tiers de la production mondiale de cacao.
L’ampleur du travail des enfants s’explique en partie par la pauvreté structurelle des cacaoculteurs : en Côte d’Ivoire, ils gagnent en moyenne environ un tiers du ‘revenu vital’. Selon le bureau de recherche True Price, le revenu actuel des cacaoculteurs en Côte d’Ivoire est de 0,78 $, alors que le ‘revenu de subsistance’ a été fixé à 2,51 $ par jour. Et cela a un impact majeur, y compris sur le chocolat. “Si vous ne payez pas le bon prix structurellement, vous n’obtiendrez pas la bonne qualité”, dit M. Noesen.
“Je ne veux pas quitter l’industrie du chocolat dans dix ans, sachant qu’il y avait du travail des enfants, sans avoir rien fait.”
Thierry Noesen, Belvas
“Après avoir vu ce documentaire, j’ai pris une décision”, poursuit Noesen. “J’ai voulu améliorer les conditions de vie de ces planteurs de cacao en mettant en place un commerce équitable. J’avais deux options : je pouvais garantir à nos clients un chocolat bio de qualité sans travail des enfants, produit au Pérou, ou bien m’investir en Côte d’Ivoire. Comme la situation en Côte d’Ivoire est bien pire qu’au Pérou, l’impact peut y être plus important. Avec Belvas, je peux vraiment changer les choses. Je suis donc parti à la recherche d’une coopérative de cultivateurs de cacao ivoiriens avec laquelle travailler, et j’ai trouvé”.
“Belvas paie aux agriculteurs le prix qui leur donne un ‘revenu vital’ : sous la forme d’une prime, nous ajustons la différence entre le prix du marché et le prix d’un revenu décent. Aujourd’hui, par exemple, c’est le double du prix du marché. Mais comme la coopérative avec laquelle nous travaillions ne pouvait pas fournir de certification bio et que nous ne pouvions donc pas vendre le chocolat à nos clients réguliers, nous avons présenté notre projet à Carrefour. Ils nous ont rejoints comme partenaire et nous avons baptisé le projet Direct Cocoa.”
“Direct Cocoa poursuit quatre objectifs : mettre fin au travail des enfants, diversifier les cultures pour que les agriculteurs ne dépendent pas uniquement des revenus du cacao, autonomiser les femmes et restaurer la biodiversité locale. Mais je voulais aller encore plus loin. Au cours des dix dernières années, j’ai pensé que nous devrions être en mesure de générer sur place la valeur ajoutée de la transformation des fèves de cacao “, dit Noesen. “Aujourd’hui, à l’exception de la fermentation, toutes les étapes de transformation ont lieu en Occident. Or, bruler et broyer la fève de cacao directement en Côte d’Ivoire peut avoir un impact économique et écologique énorme pour les populations locales”.
Le processus de fabrication montre comment cela est possible. Après la maturation, les fruits du cacaoyer sont cueillis manuellement, coupés en morceaux et fermentés pendant cinq à sept jours. Cela doit se faire rapidement car les fèves se gâtent après seulement trois jours. Les fèves fermentées sont généralement mises dans des sacs pour être exportées, puis elles sont nettoyées, torréfiées et broyées en masse de cacao. “C’est là que réside l’opportunité “, poursuit Noesen. “Au cours du processus de broyage, nous libérons une petite pastille. Ce pellet représente 20% du poids. C’est important en soi pour le transport”.
“Si le broyage en masse de cacao se faisait sur place, le volume de fèves de cacao diminuerait encore davantage : la torréfaction et le broyage locaux permettraient de n’avoir recours qu’à la moitié des conteneurs et donc aussi, à la moitié des navires. Un avantage supplémentaire réside dans le fait d’importer moins d’insectes vivants. Et les blocs de masse de cacao résistent mieux à l’humidité et à la chaleur que les fèves de cacao elles-mêmes qui peuvent pourrir pendant le transport. Les sites de torréfaction et de broyage des fèves de cacao sont également relativement faciles à installer sur place”.
La transformation locale peut également prévenir l’appauvrissement des sols et la déforestation, un problème croissant en Côte d’Ivoire. “Il faut un sol riche et beaucoup d’ombre pour faire pousser un bon cacao. Avec l’abattage des arbres, la culture du cacao en Côte d’Ivoire est devenue de plus en plus dépendante des engrais artificiels et appauvrit rapidement le sol. La pastille autour de la fève de cacao peut être utilisée comme engrais. Il serait logique de l’utiliser sur place dans les plantations de cacao, surtout quand on sait que les agriculteurs africains dépensent jusqu’à un tiers de leurs revenus en engrais et pesticides artificiels”.
“Quand j’ai entendu parler de l’appel à projets de la Fondation Roi Baudouin, j’ai imaginé créer une usine locale de transformation du cacao. Pour ce projet, nous travaillons en collaboration avec une coopérative qui vend des fèves bios. L’usine sera située à Daloa, au centre de la Côte d’Ivoire, et sera opérationnelle à partir de mi-2020. Elle est dotée d’un budget de 1.050.000 € et produira 450 tonnes de masse de chocolat bio par an. Le fait que le Business Partnership Facility soutienne ce projet n’est pas seulement une aubaine financière, c’est aussi une énorme motivation et une reconnaissance”.
“Avec Belvas, nous transformons environ 600 tonnes de cacao par an”, explique M. Noesen. “Nous utilisons nous-mêmes une partie de la production de cacao, mais la plus grande partie est destinée au marché bio international. 450 tonnes par an, c’est un volume relativement faible, et c’est possible parce que c’est du chocolat biologique. Mais pour être compétitif sur le marché, le volume doit être au moins dix fois supérieur. C’est également notre ambition : d’ici quatre à cinq ans, nous prévoyons un site de production plus grand à côté de l’usine actuelle. Pour la première usine de Daloa, nous utilisons beaucoup de savoir-faire d’ici : la connaissance technique des machines, le savoir-faire pour diriger une usine et la connaissance de la transformation du cacao ‘de la fève à la barre’ (bean-to-bar). Pour cette deuxième usine, nous aurons du personnel formé localement en interne.”
Mais si le cacao est transformé localement, que reste-t-il du ‘chocolat belge’ ? “Il continuera à exister”, dit Noesen. “Nous sommes des experts dans le mélange ici, en mettant au point les bonnes recettes pour produire un chocolat délicieux. Les frères Callebaut ont inventé le mélange des variétés de cacao. La magie de notre chocolat, par exemple, réside dans le fait qu’il est un mélange de cacao de Côte d’Ivoire, du Pérou et du Cameroun. Ces endroits sont très éloignés les uns des autres. Le rôle de la Belgique se situe à la jonction où se rencontrent les flux de cacao et où le produit final est fabriqué.”
“J’écris actuellement un livre, parce qu’il y a un réel besoin de changement social et écologique dans le secteur”, dit Noesen. “Quand j’ai commencé il y a 15 ans, je n’ai jamais pensé que mon entreprise deviendrait un moyen plutôt qu’une fin. Un moyen d’aller au-delà d’un impact ici et pour moi. Avec Belvas, je veux montrer que les choses peuvent être faites différemment. J’aurai 60 ans cette année. Je ne veux pas quitter l’industrie du chocolat dans dix ans, sachant qu’il y avait du travail des enfants, sans rien y faire. Je vais essayer”.
Le projet ‘Coopérative de cacao en Côte d’Ivoire’ de Belvas est co-financé par le Business Partnership Facility (BPF). Cet instrument de financement a été créé en 2018 par la Direction Générale de la Coopération au développement du Ministère belge des Affaires étrangères (DGD). Il est géré par la Fondation Roi Baudouin. Ainsi, les signataires de la Charte Belge SDG pour le développement mettent en œuvre leur engagement en faveur des Objectifs de Développement durable des Nations Unies.
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